Tout le monde veut être “Agile”…
Jusqu’à ce que le budget soit signé.
Je l’ai vu des dizaines de fois, dans le secteur privé comme public :
on signe un contrat au forfait, avec un périmètre figé, un budget validé, des délais serrés…
puis on s’attend à un pilotage “Agile”.
Sur le papier, tout semble compatible.
En réalité, le malentendu commence ici.
L’Agilité : une discipline d’adaptation, pas une improvisation
L’Agilité, c’est avant tout une manière de travailler.
C’est une philosophie qui met l’accent sur la collaboration, la transparence, et la valeur incrémentale — livrer tôt, livrer utile, livrer mieux.
Mais dans la pratique, elle est souvent perçue comme une “souplesse totale”, un droit de changer d’avis à chaque sprint sans conséquence sur le budget ni les délais.
Ce que le client pense :C’est ce décalage de perception qui transforme une méthode puissante en source de tension.
“Agile” = je peux ajuster mes besoins à tout moment sans surcoût.
Ce que l’équipe comprend :
“Agile” = on travaille par itération, on ajuste les priorités, mais dans un cadre clair.
Ce que l’Agilité est… et ce qu’elle n’est pas
L’Agilité, c’est :
- Un mode de pilotage collaboratif basé sur la transparence.
- Un apprentissage continu : observer, tester, ajuster.
- Une approche centrée sur la valeur livrée, pas sur la quantité produite.
- Une discipline : planifier peu, mais souvent, et toujours avec clarté.
L’Agilité, ce n’est pas :
- Une excuse pour éviter la rigueur ou la documentation.
- Un “joker” pour repousser les livrables.
- Une méthode miracle pour compenser un manque de vision.
- Une raison pour refuser la redevabilité.
Quand l’Agile devient un frein au delivery
Dans beaucoup d’environnements africains, l’Agilité est adoptée sans être comprise.
On la vend comme un label moderne, pas comme une culture à instaurer.
Résultat :
- Les clients changent d’avis à chaque revue de sprint.
- Les équipes techniques perdent la maîtrise du périmètre.
- Les délais glissent.
- Les coûts explosent… et personne n’en assume la responsabilité.
-
À ce stade, le projet n’est plus Agile.
Il est chaotique.
Forfait vs Régie : le vrai débat caché
C’est un sujet sensible, mais il faut le dire :
l’Agilité ne peut pas s’aligner sur un contrat au forfait.
Pourquoi ?
Parce qu’un forfait fige le périmètre, les coûts et les délais dès le départ.
Alors que l’Agilité repose sur la priorisation continue et l’adaptation du périmètre selon la valeur ajoutée.
Le modèle en régie (facturation au temps passé ou à l’effort) s’aligne naturellement sur cette philosophie :
on finance la capacité à s’adapter, pas un cahier des charges rigide.
Le forfait, c’est le contrat de la prédiction.C’est un peu comme signer une carte au trésor avant même d’avoir vu le terrain.
L’Agile, c’est le contrat de l’évolution.
Dans nos contextes africains : l’Agile sous contrainte
Nos projets digitaux évoluent dans un écosystème encore en construction :
les budgets sont souvent publics ou subventionnés, les contrats très administratifs,
et la culture de la flexibilité contractuelle est encore limitée.
Cela crée une “Agilité sous contrainte” :
on veut être agile dans le pilotage, mais rigide dans le cadre.
Et c’est précisément là que la méthode s’effrite.
Pourtant, dans le bon contexte, l’Agilité peut être un levier formidable :
- elle accélère l’adoption de la solution,
- elle implique davantage les utilisateurs,
- elle réduit les risques de rejet ou d’incompréhension,
- elle favorise une livraison par valeur, plus durable et mieux acceptée.
Comment concilier flexibilité et engagement
L’Agilité ne doit pas être une opposition à la rigueur, mais une alliance intelligente entre les deux.
Voici trois leviers qui fonctionnent réellement dans nos contextes :
-
Cadrez la vision avant de lancer.
- L’agilité ne remplace pas le cadrage.
- Une vision claire, un backlog priorisé, un périmètre initial balisé.
- Éduquez le client.
- Expliquez la différence entre ajuster une priorité et redéfinir un besoin.
- L’agilité est un apprentissage mutuel.
- Formalisez la flexibilité.
- Fixez un cadre contractuel évolutif (périmètre, jalons, points d’arbitrage).
- Mieux vaut un contrat clair qu’une confiance floue.
Conclusion : être Agile, c’est livrer juste, pas livrer vite
L’Agilité n’est pas une méthode “cool”.
C’est une culture de responsabilité partagée.
Une manière de dire : “On avance ensemble, en transparence, pour créer de la valeur réelle.”
Être Agile, ce n’est pas tout accepter,Dans nos projets africains, elle a tout son sens —
c’est savoir s’adapter sans se trahir.
à condition d’être contextualisée, expliquée, et équitablement comprise.
Parce qu’un projet Agile mal compris crée des frustrations.
Mais un projet Agile bien cadré construit des succès durables