DPI et souveraineté numérique africaine

DPI et souveraineté numérique africaine

De l’interopérabilité à la plateformisation : bâtir des infrastructures publiques numériques souveraines en Afrique

Lorsque la BCEAO a annoncé le lancement de sa plateforme régionale d’interopérabilité des paiements, c’était bien plus qu’une innovation monétaire :

c’était la démonstration qu’une infrastructure publique numérique régionale pouvait naître et fonctionner sur des standards africains.
En reliant banques, fintechs, opérateurs télécoms et services de mobile money, la BCEAO a posé les rails d’un écosystème intégré, fondé sur des standards ouverts et une gouvernance partagée.
Ce modèle ne se limite pas au secteur financier : il préfigure une nouvelle manière d’organiser la donnée et les services publics.

De la finance à la gouvernance publique numérique

Le secteur financier a souvent été pionnier en matière d’intégration technologique : il a su créer un cadre de confiance multi-acteurs, où la coopération est une condition de survie.

Cette logique peut — et doit — inspirer la transformation d’autres domaines publics :

  • santé,
  • éducation,
  • fiscalité,
  • justice,
  • protection sociale,
  • identité numérique

Aujourd’hui, plusieurs pays africains explorent des modèles d’interopérabilité inspirés du cadre estonien X-Road ou de sa déclinaison UXP, où les institutions peuvent échanger de manière sécurisée sans perdre le contrôle de leurs données.
Cette architecture distribuée repose sur une idée simple mais puissante : chaque acteur reste souverain sur sa donnée, tout en la rendant interopérable et utile au collectif.

La plateformisation comme cadre de lecture

Ce mouvement d’interopérabilité s’inscrit dans la continuité de la plateformisation des services publics.
Ce concept, que j’explore dans le cadre de mon MBA en Management International, repose sur une transformation systémique : les organisations passent d’une logique de silos à une logique d’écosystèmes interconnectés.

Les outils issus du Platform Design Toolkit (Boundaryless) et du MIT Platform Strategy Lab montrent que les plateformes ne créent pas de valeur par la production, mais par l’orchestration des interactions.
Appliquée à la sphère publique, cette approche transforme l’État en orchestrateur d’écosystèmes numériques, garantissant la cohérence, la sécurité et la fluidité des échanges.

Platform Design Toolkit by Boundaryless The Platform Design Canvas – Platform Design Toolkit 2.2, © Boundaryless

Vers des Digital Public Infrastructures africaines

Elles reposent sur trois piliers :

  1. Interopérabilité technique et organisationnelle, pour connecter les systèmes existants ;
  2. Gouvernance partagée, pour garantir la confiance entre acteurs publics et privés ;
  3. Souveraineté numérique, pour que les données publiques restent des biens communs.

À travers des architectures de type X-Road/UXP, on peut imaginer à moyen terme des DPI régionales au sein de l’UEMOA ou de la CEDEAO :
un cadre permettant à des pays de partager des données souveraines, de mutualiser les infrastructures et d’améliorer la prestation de services transfrontaliers.

Recommandations clés pour une mise en œuvre durable

Pour que cette transition réussisse, trois conditions sont essentielles :

  • Un cadre juridique robuste, garantissant la protection et la portabilité des données ;
  • Des compétences locales renforcées, pour concevoir, administrer et sécuriser les plateformes ;
  • Une gouvernance multi-niveaux, intégrant l’État, les collectivités, la société civile et le secteur privé.

En intégrant ces éléments, les DPI peuvent devenir les fondations de la souveraineté numérique africaine, tout en stimulant l’innovation et la transparence.

En conclusion
L’interopérabilité et la plateformisation sont les deux faces d’une même ambition :
celle de bâtir des États ouverts, collaboratifs et interconnectés, capables de transformer la donnée publique en levier de développement inclusif.

L’Afrique francophone dispose déjà des talents, des expériences et des réussites (comme la BCEAO) pour construire ses propres modèles — adaptés à ses contextes, portés par ses institutions, et ouverts sur le monde.

Le futur ne sera pas fait de systèmes isolés, mais de plateformes publiques intelligentes, où la donnée, la technologie et la confiance convergent au service du bien commun.
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